Coronavirus : La longue mise au point du Député Julien Borowczyk

Cela fait plus d’un mois que nous vivons un confinement strict. Cette méthode, associée aux gestes barrières, est la seule validée mondialement pour contenir la progression du coronavirus. Ce processus nous permet d’aborder aujourd’hui un plateau dans le nombre d’hospitalisations. Ce plateau reste très fragile et très haut, situé à plus de 30000 personnes hospitalisées en France, dont plus de 7000 en soins critiques, et ce dans plus de 1000 établissements de santé (publics ou privés).

Je tiens à souligner et féliciter le formidable engagement de tous les personnels soignants à l’hôpital comme en ville, dans les établissements publics comme privés. Ces efforts, nous devons les accompagner en respectant les consignes de sécurité et en préférant les avis scientifiques aux avis politiques.

Suivant les avis du conseil scientifique du Covid-19 et de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), Olivier VERAN (Ministre des solidarités et de la santé) a annoncé une montée en charge importante des capacités nationales de tests de dépistage.
Le 6 avril dernier, il a également souhaité systématiser ces tests à toutes personnes symptomatiques travaillant ou résidant dans les EHPAD.
Cette campagne de dépistage débute en Auvergne-Rhône-Alpes grâce au travail conjoint de l’Etat via l’ARS (Agence Régionale de Santé) de la Région AuRA, des départements, des communes et des 25 laboratoires accrédités récemment. Il est important de souligner et remercier cette volonté d’action commune au service des français.

En ma qualité de député, vice-président de la commission des affaires sociales à l’Assemblée Nationale, médecin généraliste, et médecin régulateur au SAMU 42, il m’apparaît néanmoins nécessaire de préciser, voire corriger, certaines affirmations diffusées récemment et tendant à aller à l’encontre de ce message de solidarité sanitaire.

Tout d’abord, mon action politique s’inscrit dans une volonté de transparence acquise dans mon activité médicale. C’est à ce titre que j’ai toujours décrit le manque d’équipement de protection pour les soignants et travaillé à obtenir ces matériels. Par ailleurs, dès le 25 mars 2020, j’alertais sur le nombre important de cas de contaminations au sein de l’EHPAD de Montbrison qui était déjà considéré comme un cluster. On m’a alors accusé de diffuser des rumeurs inquiétantes.

Cette information, je l’avais vérifiée auprès du personnel de l’établissement lors de mes visites au chevet de mes patients. Ce constat, je l’ai tenu au micro de Thomas Sotto sur RTL afin d’informer et sensibiliser les autorités quant à la nécessité d’accroître leurs livraisons de matériels aux soignants.

Aujourd’hui, grâce à l’engagement commun de tous : Etat, collectivités, associations, entreprises et individus, les équipements de protection individuelle arrivent dans les établissements.
C’est encore insuffisant mais le flux des livraisons est régulier et permet un réassort plus confortable.

J’ai cependant sollicité à nouveau le cabinet d’Olivier Veran pour obtenir des surblouses.
En revanche, la situation est actuellement en tension pour les personnels soignants eux-mêmes. Ils sont pour certains malades et pour d’autres épuisés par le travail colossal qu’ils ont fourni jusqu’à ce jour. Fort heureusement les EHPAD de Feurs et Montbrison font encore partie du service public et du CH Forez. Ainsi, des personnels de services fermés ont pu aller suppléer leurs collègues en EHPAD. C’est une belle démonstration du rôle majeur de notre service public de la santé au sein du Forez.

D’autre part, il est à mon sens indispensable de préciser l’intérêt des dépistages élargis en EHPAD.
Le test de dépistage est actuellement basé sur la recherche du virus dans les sécrétions nasales. Les prélèvements ont besoin d’un état infectieux évolué pour être probants. C’est pourquoi, il n’y a aucun intérêt à tester une personne asymptomatique. De même, il est possible que le test soit faussement négatif à cause d’une charge virale insuffisante ou d’un prélèvement mal ciblé.

Le chiffre est énorme : 30 à 40% des tests peuvent s’avérer être des faux négatifs. Certaines personnes pourraient alors se penser non porteuses par erreur et diffuser le virus.
S’insurger en réclamant des tests systématiques pour asseoir la stratégie de lutte contre le virus, comme j’ai pu le lire récemment, est une erreur grave et dangereuse. Les tests de dépistage ne sont utiles que s’ils sont ciblés, comme cela peut être le cas en EPHAD, et n’ont un intérêt que lorsqu’ils sont positifs.
Pour les personnels contaminés, l’éviction devra être envisagée. Il est à noter cependant que tout soignant symptomatique était déjà testé systématiquement.

Pour les résidents d’EHPAD, la positivité du test pourra amener à des réorganisations des chambres mais il est important de souligner la dimension éthique de la problématique. En effet, l’unité de vie Alzheimer et l’aile Jardin de l’EHPAD de Montbrison comportent une grande majorité de personnes atteintes de troubles cognitifs. La majorité déambule toute la journée. Dès lors, j’interroge ceux qui veulent imposer leur stratégie aux soignants : que fait-
on avec un patient dépisté positif qui déambule ? Il faut l’attacher ? L’enfermer dans sa chambre ? Lui administrer une camisole chimique ? Notre déontologie professionnelle nous oblige à nous interroger, et donc à estimer que le risque de transmission persistera dans les EHPAD.

La mortalité actuelle est tragique, et nous ne pouvons que déplorer avec une immense tristesse la perte de nos ainés qui s’avèrent touchés plus durement par ce virus, et peinent à lutter. Il est néanmoins étonnant de constater que cette surmortalité interroge, voire surprend ceux qui m’accusaient d’exagérer les cas de contaminations en se disant alors très bien informés de la situation.

Nous constatons actuellement une mortalité touchant à 81% les plus de 70 ans dans notre pays avec comme comorbidités principales le diabète, les pathologies cardiaques et pulmonaires.
Ainsi, l’entrée d’un virus contagieux et mortel dans un établissement confiné et hébergeant des personnes fragiles a effectivement des effets dramatiques et se traduit par un taux de mortalité important puisque nous ne disposons pas, à ce jour, de traitement efficace. Pour autant, les soignants font le maximum pour assurer une prise en charge optimale de nos ainés en accord avec leurs familles. C’est pour cela que j’insiste sur l’intérêt majeur des protections,
du confinement et du travail des soignants au chevet des patients pour les hospitaliser ou les accompagner.

Les conditions de fin de vie nous interrogent également. C’est pourquoi Emmanuel Macron a souhaité assouplir les conditions de visite auprès des résidents afin de permettre aux familles d’accompagner leurs ainés.

En résumé, nous multiplions les tests de dépistage pour les personnes symptomatiques comme nous nous y sommes engagés depuis plusieurs semaines. Ces tests ont une valeur épidémiologique et sanitaire. Néanmoins, nous devons maintenir un confinement strict jusqu’au 11 mai 2020. À compter de cette date, des tests sérologiques évaluant l’immunité permettront un déconfinement progressif.

Je le répète, nous n’avons pas de traitement ayant fait la preuve de son efficacité contre le coronavirus, il faut donc aider les soignants en limitant les contaminations grâce à la poursuite du confinement et les gestes barrières. Il n’est nullement besoin de polémiquer ou se positionner dans la surenchère pseudo-médicale erronée et contre-productive.
Lutter contre le virus c’est être solidaire, objectif, déterminé et respectueux des avis des spécialistes.

Accompagner les soignants c’est éviter les contaminations, c’est rester confiné et c’est se mobiliser pour leur donner accès aux équipements de protection.
Le temps de la critique et du bilan arrivera mais seulement après la crise. Je prends déjà ma part de responsabilité quant au financement des hôpitaux et à la rémunération des soignants que nous devrons inéluctablement améliorer. La période qui s’ouvrira imposera inexorablement une discussion plus large sur la société que nous voulons reconstruire.

Le virus existe et se propage au travers des individus.
Le virus permet malheureusement à quelque uns d’exister en diffusant le doute.
Le virus n’a pas de parti politique, pourtant certains « apolitiques » continuent d’entretenir une rhétorique politique et polémique inappropriée.
Le virus ne sera vaincu que par nos actions communes et solidaires. Mobilisons toutes nos forces pour lutter contre le virus plutôt que lutter contre les autres.