téléfilm sur ARTE ce vendredi 24 Aout 2018
C’est à quelques métres du sanctuaire Notre-Dame d’Ay (à Saint-Romain-d’Ay) sur le tournage de Mélancolie ouvrière, que je suis allé rencontrer le réalisateur Gérard Mordillat, également romancier. Gérard Mordillat a réalisé des fictions et documentaires. Il est l’auteur de nombreux films, réalisés soit à partir de scénarios originaux, soit en adaptant ses propres ouvrages. En ce mois d’avril 2017 c’est l’histoire de Lucie Baud qui est mis sur pellicule, Lucie Baud née le 23 Février 1870 en Isère et qui devient ouvrière tisseuse de soie à l’âge de 12 ans, dans une usine textile, mariée à 21 ans, et a deux enfants. Elle est veuve à 35 ans, fait une tentative de suicide qui la défigure, elle meurt le 7 mars 1913 à l’âge de 43 ans, à Tullins.
Le film est inspiré d’une oeuvre de Michelle Perrot, Mélancolie ouvrière publié chez Grasset en 2012.

Bonjour Gérard Mordillat, nous sommes sur le tournage de Mélancolie Ouvrière, quel est la génèse de cette histoire ?
Au départ de ce film, il y a l’essai de Michèle Perrot, qui s’appel mélancolie ouvrière qui a remis en lumière une figure oubliée du syndicalisme. Qui est une femme exceptionnelle, qui s’appelait Lucie BAUD, qui en 1905 et 1906 à menée 2 grandes grèves dans les soieries à Vizille et Voiron près de Grenoble. C’est la le début, ce travail historique de Michèle Perrot qui m’a sollicité pour en faire un film de fiction.
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Pourquoi on transpose cette histoire dans la région de Saint Julien Molin Molette ?
Parce qu’il n’existe plus ni à Vizille, ni à Voiron, d’ateliers de tissage. La chance a voulu que nous trouvions à Saint Julien Molin Molette un atelier de tissage avec encore une quarantaine de métiers de 1900 que nous avons remis en route, pas tous mais un certains nombre. C’est ce qui a décidé du tournage bien entendu, sans cela je crois que le film aurait été impossible.
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C’est une fiction très militante, retrouve t’on bien votre univers ?
C’est pas très militant, c’est simplement très historique. Cela montre que premièrement le combat des salariés contre les conditions qui leurs sont faites, est un combat qui a plusieurs siècles maintenant. Ensuite c’est aussi une façon de parler du contemporain, parce qu’a la fois l’emploi des femmes, leurs conditions de vie, leurs conditions de travail, leurs conditions de salaire. On se dit que le temps n’a pas passé, que ce pourquoi se battait Lucie Baud, et bien des millions de femmes se battent encore aujourd’hui pour la même chose.
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Peut on également comparer les époques ?
Les époques ne sont jamais réellement comparables, mais il y a quand même une sorte de paralèlle historique, qui est facile à faire. On voit lucie Baud mener ses grèves parce que les patrons, au nom du progrès technique, voulaient augmenter le temps de travail et diminuer les salaires d’un tiers. Si ce n’est de la moitié…
Aujourd’hui que voit on ? on voit exactement le même type de combat au nom du même progrès technique, on dit oui le temps de travail doit être rallongé, puisque c’est plus facile finalement de faire des choses qui sont robotisés, informatisés, et le salaire à disparu au profil du coût du travail, et donc il faut le baisser, le baisser sans cesse. Evidement ce n’est pas la même époque, mais parallèlement en miroir, on voit exactement comment ces mouvements là, qui sont les mouvements profond des organisations patronales perdurent à travers les siècles.
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Le profit au détriment de l’humain ?
Le profit gouverne le monde, le monde capitaliste. Et à l’époque de Lucie Baud, comme aujourd’hui c’est cela qui nous gouverne malheureusement. On ne s’inquiète pas de ce qu’est la condition des individus. Montrer la vie de Lucie Baud, de cette femme exceptionnelle par son intelligence, par son courage, son abnégation, son sens du bien commun c’est aussi dire ce qu’il nous manque aujourd’hui.
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Quand on prépare cette fiction, comment choisit on les acteurs qui vont incarner cette histoire ?
Le choix des acteurs est toujours une chose purement sublective, j’avais déja tourné une petite chose avec Virginie Ledoyen que j’aime beaucoup, il y avait un autre projet que nous n’avions pas pu faire, là c’était l’occasion de lui proposer un très grand rôle. Et surtout un très grand rôle proche d’elle, parce que Virginie Ledoyen qui est naturellement très élégante, qui est naturellement évidement très jolie, on a tendance à la pousser dans des rôles de bourgeoises, des rôles sophistiqués, mais elle vient d’un monde qui est un monde ouvrier. Ces idées, son caractère, sa façon d’être viennent de ce monde là, donc c’était une chance de lui faire retrouver son histoire au fond. Et que nous fassions a nouveau un film ensemble.
Quand à Philippe Toretton c’est un acteur que j’aimais beaucoup, avec qui je n’avais jamais travaillé, et qui me paraissait là aussi, par proximité intellectuelle, artistique, politique, tout à fait celui qui devait être ce syndicaliste, qui va aider Lucie Baud à monter ce syndicat.
Quand à François Cluzet et François Morel, ce sont des amis de longues dates, qui sont venus ici par amitiès, et pour moi et pour le plaisir de tourner ensemble, je peux aussi sité Jean-Damien Barbin, Marc Barbé, Jacques Pater avec qui j’ai fait de très nombreux films.
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C’est une fiction qui est destiné à la chaine ARTE ?
Oui au départ, il faut quand même dire que c’est un film pour lequel nous n’avons pour l’instant, pas trouvé réellement d’argent pour le cinéma et heureusement Arte s’est enthousiasmé pour le projet et nous permet de faire le film. Ce qui est la chose la plus importante, ce que j’escompte, comme cela a été le cas pour celui que j’avais fait sur Antonin Artaud avec Samy Frey et Marc Barbé.
Que nous puissions sortir en salles, en même temps qu’il sera diffusé sur Arte. Une sortie concomittante, comme pour Artaud, qui était sorti le même jour que sa diffusion sur Arte. Parce que tout simplement aujourd’hui, les publics, ne s’excluent pas mais s’additionnent, les gens qui vont au cinéma ne sont pas ceux qui achètent des DVD, ne sont pas ceux qui font de la VOD, donc c’est une addition, il n’y a pas d’obstacles à sortir de cette manière. Regardez l’exemple récent, Arte a sortit en même temps « la journée de la jupe » avec Isabelle Adjani et cela a été un très beau succès.
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Travail t’on différement quand on est diffusé sur Arte, doit t’on s’adapter, y a t’il des exigences, est on totalement libre ?
Non je suis totalement libre de faire ce que je veux faire, il n’y a aucun critères d’aucune sorte. Sinon une exigence personnelle qui est une exigence artistique, c’est mon exigence, mais Arte n’intervient en rien. Ils se sont enthousiasmés pour le scénario, on en as parlés, des acteurs, ou j’allais le faire, comment je voulais le faire, à partir de la c’est ma responsabilité entière de faire ce film.
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Est ce qu’après chaqu’une de vos oeuvres, votre regard change sur la vie, est-ce que vos oeuvres vous font changer ?
Oui bien entendu, nécessairement, évidemenent et surtout ce qui est ici extrêmenent touchant, satisfaisant, euthousiasmant, c’est de voir l’accueil que nous avons reçus, notamment des habitants de Saint Julien Molin Molette, je pense que la moitié du village, sinon les trois quarts, tournent dans le film. Cela dit quelque chose, justement sur la relation du cinéma au réél, et cela est pour moi essentiel. Forcément, cela ne fait qu’approfondir si je puis dire, ma conception que j’ai et du cinéma et du réél, c’est à dire de la politique.
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Avez vous eu pendant ce tournage le temps de visiter et vous intéresser à la région ?
Mais j’ai beaucoup visité la région, puisque nous avons fait tous les repérages ici, qu’il n’y a pas de façon plus approfondie finalement de connaitre une région que de la sillonner en long et en large, à pied, en vélo (sa grimpe) et en voiture.
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Pour finir et pour revenir sur Saint-Etienne, quel est votre vision de notre ville ?
Moi j’ai toute une histoire avec Saint-Etienne, parce que des amis à moi habitaient à Saint-Etienne, il y a très longtemps. Je suis venu très très souvent, notamment spécialement pour venir voir le film « la bataille d’Alger » de Gillo Pontecorvo, que l’on ne pouvait pas voir à Paris. Que l’on en pouvait voir que dans certains endroits, en province.
Ensuite j’ai été l’invité de la fête du livre de Saint-Etienne, j’ai même fait du vélo avec Jacques Plaine, avec Paul Fournel, donc j’ai beaucoup d’amis et une relation je dirais affective avec Saint-Etienne.
En plus il y a le musée de l’art de de l’industrie ou il y a la section vélocypédique qui me va droit au coeur.
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On vous souhaite quoi pour cette fiction « Mélancolie ouvrière » ?
Ce que l’on peut me souhaiter c’est que les gens le reçoive comme il doit être reçu, vous savez il n’y a qu’une chose qui est surprenante quand on est cinéaste, quand on est écrivain, c’est que cela ne marche pas..C’est l’échec qui est surprenant, puisque l’on fait tout pour que cela soit un succés auprès des gens, que cela atteigne le public qu’il doit atteindre, c’est cela qu’il faut me souhaiter.
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