Festival d’humour au conseil municipal de Saint-Etienne…
Conseil municipal de Saint-Étienne – Intervention d’Isabelle Dumestre, présidente du groupe Saint-Étienne Demain – Festival ArcomiK
Au regard de ce que nous avons découvert, comme tous les Stéphanois, dans la presse, ces derniers jours. En revanche, nous avons plusieurs questions à vous poser et une demande à vous formuler.
Les faits révélés dans l’article du Canard Enchaîné, ainsi que les commentaires de votre adjoint à la culture dans la presse locale, nous semblent révélateurs d’une dérive inquiétante et de pratiques politiques, si elles devaient être confirmées, inacceptables.
En pleine crise du Covid, alors que le monde culturel est déjà soumis à rude épreuve, M. Chassaubéné prend – seul – la décision de suspendre le soutien de notre collectivité à un festival. Il ne s’agit pas d’un petit événement, ce festival étant ancré depuis près de 20 ans dans le paysage stéphanois, même s’il a récemment changé de nom et a vu diverses évolutions dans sa gestion au fil des ans, dont plusieurs d’ailleurs à la demande de la Mairie.
Votre adjoint ne se contente pas de retirer brutalement la subvention : il prend en outre la liberté de solliciter un projet concurrent, sur les mêmes dates, le même contenu, sur la base des subventions ainsi retirées. Un projet bien concurrent donc, et certainement pas complémentaire.
La justification avancée par M. Chassaubéné semble tout à fait surréaliste : « C’est parce que la subvention a été arrêtée que d’autres se sont positionnés ». Pourtant, la lettre annonçant la fin de la subvention est datée du 20 octobre 2021. L’association GSM, qui va solliciter ces subventions opportunément disponibles, a été déclarée en Préfecture le 12 octobre.
A cette date, le 12 octobre 2021, Arcomik ne sait pas encore que ses subventions ne seront pas reconduites. A cette date, le conseil municipal n’est pas informé qu’il y a vacance du soutien municipal sur ce créneau du festival d’humour. A cette date, il ne semble pas que la mairie ait lancé une consultation au sein du monde culturel pour y pallier.
Apparemment, au 12 octobre 2021, en dehors de M. Chassaubéné, seuls les fondateurs de l’association GSM disposaient de cette information. Ils l’ont eux-mêmes confirmé dans la presse : « on a été informés, on a saisi l’opportunité ». Je ne sais pas comment ça s’appelle dans le domaine public, mais dans le domaine marchand quand un investisseur utilise ainsi « des informations privilégiées dont ne disposent pas les autres investisseurs », on appelle ça un « délit d’initié ». Cela ressemble en tous cas beaucoup à du copinage, pour ne pas dire du clientélisme.
A la lecture de l’article du Canard, il semblerait qu’il faille avoir fait votre campagne, Monsieur Perdriau, pour avoir accès à un soutien privilégié de la collectivité. J’espère sincèrement que nous n’en sommes pas là, aujourd’hui, dans notre ville. Ou alors, est-ce M. Chassaubéné tout seul qui choisit par qui doit passer l’avenir culturel de Saint-Etienne ?
En tous cas, ni nous ni les Stéphanois, n’avons vu dans votre programme ou votre plan de mandat, votre intention de débarrasser Saint-Etienne du festival ArcomiK. Et c’est bien heureux, tant il participe de l’animation culturelle et du rayonnement de notre territoire !
Les « raisons » avancées par M. Chassaubéné pour retirer ainsi le soutien de la Ville – et de la Métropole – nous semblent relever de la pure mauvaise foi. Pour lui éviter la peine de tenir des propos mensongers devant cette assemblée, je remettrai au regard des faits, certaines de ses réponses à la presse :
– ArcomiK ne correspondrait pas au projet culturel de la Ville, centré sur la création artistique et le soutien à l’émergence. Il suffit de consulter la programmation et les bilans du festival pour voir à quel point c’est faux : le dispositif « Talents nouveaux » en soutien aux artistes émergents, une création originale orchestrée en 2020 par un humoriste célèbre, des jeunes artistes qui côtoient sur scène des « têtes d’affiche »…
– D’autre part, la politique tarifaire d’ArcomiK serait trop élevée pour participer à l’accessibilité au spectacle vivant. Outre le travail avec la protection juridique de la jeunesse ou les centres sociaux, les tarifs ne semblent pas particulièrement prohibitifs :
ils varient entre 5 et 30 euros, sans compter les invitations offertes aux centres sociaux.
Une commission d’attribution se serait réunie ce 21 janvier. La fiche de demande de subvention de GSM (qu’on peut trouver sur les réseaux sociaux) pour la « Reprise du festival des arts burlesques » (sic) fait non seulement un quasi copier-coller de la ligne artistique et des actions sociales d’Arcomik, mais annonce une « politique tarifaire accessible : entre 25 euros et 35 euros ».
Voici nos questions, Monsieur le Maire : Est-ce que ce qui était rédhibitoire pour Arcomik est devenu acceptable pour GSM ? En d’autres termes, la subvention demandée par GSM lui a-t- elle été accordée sur cette même base ?
Et plus globalement, quel est le message qui est donné au monde associatif : est-ce que n’importe qui peut ainsi créer une association et solliciter, 48 heures après, plusieurs dizaines de milliers d’euros d’argent public ?
Le festival se serait cassé la figure, et la Ville aurait trouvé in extremis une solution pour reprendre ses activités, à la rigueur… mais là, on est clairement plus dans du remplacement que du sauvetage.
M. Chassaubéné affirme que l’organisation du festival ArcomiK a toujours refusé de répondre à ses demandes de dialogue pour faire évoluer ces points. Je ne sais pas comment il peut étayer ces dires, mais la question est : à moins de considérer que c’est à la Ville de dicter l’ensemble de la ligne artistique d’un événement culturel, pourquoi ne pas avoir simplement baissé la subvention ?
En général, les Collectivités font en effet le maximum pour éviter des mouvements brutaux de subvention, surtout quand il s’agit de baisse. On lisse les baisses sur plusieurs années. Alors qu’ici on passe de 54 000 euros à 0 sans explications. Alors pourquoi une telle tentative de mise à mort d’un acteur associatif qui se bat, depuis le début de la crise sanitaire, pour continuer à proposer une offre culturelle accessible et de qualité aux Stéphanois ?
Monsieur le Maire, au-delà de ces questions, nous avons une demande à vous faire : Comme vous l’avez fait il y a quelques mois quand c’est un autre rendez-vous culturel – la Fête du Livre – qui a été épinglé par le Canard Enchaîné, nous vous demandons de reprendre la main sur ce dossier ArcomiK. Quant à votre adjoint à la Culture, nous souhaiterions qu’il tire toutes les conséquences de cette affaire pour remettre en question ses pratiques dans le cadre des délégations que lui avez confié. Je vous remercie.

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