Des femmes stéphanoises dans la résistance pendant la Seconde Guerre mondiale

Marguerite Soulas et Dora Rivière :

deux manières de résister

 

Du 28 avril au 27 mai 2018, le lieu de mémoire du Chambon-sur-Lignon a accueilli une exposition réalisée par l’association « Stéphanoises d’hier à aujourd’hui vers demain« . Elle présentait les portraits de six stéphanoises dans la Seconde Guerre mondiale, Marinette Heurtier, Simone Levaillant, Violette Maurice, Marguerite Soulas, Jeannine Silberberg et Dora Rivière. Leur destin avait été chamboulé par la guerre, mais leur trait commun a été de dire non, non à la barbarie. Elles l’ont payé de la prison, la déportation et parfois de la mort. Chacune aurait mérité son portrait, mais ce serait le cadre d’un autre travail. Pour cette chronique, j’ai choisi de mettre en lumière Marguerite Soulas et Dora Rivière qui ont choisi deux manières de résister avec le même courage.

 

Marguerite Soulas : petite main du renseignement.

 

Marguerite Soulas n’a pas manié la mitraillette ou le pain de dynamite, ce qui ne l’a pas empêché de jouer un rôle clé dans la résistance stéphanoise. Le 13 décembre 1939, elle change d’employeur.

Ayant terminé son apprentissage de préparatrice à la pharmacie Poyeton du Chambon-Feugerolles, elle rentre à la Grande Pharmacie de la Croix de Lorraine à Saint-Étienne au service de Gustave Gimon. Elle ne se doute pas alors qu’elle ne fait pas que changer de patron.

Dès sa démobilisation, le 13 août 1940, Gustave Gimon rentre à Saint-Étienne où il veille à maintenir ses contacts avec le monde du renseignement et refuse dès le début le cessez-le-feu. Il a appartenu à plusieurs mouvements et réseaux dont Uranus-Kléber du 1er novembre 1940 au 23 juillet 1943, Travaux Ruraux de septembre 1943 à la Libération et l’AS de novembre 1943 à la fin août 1944.

Très rapidement elle n’ignore plus rien des activités de son patron et est devenue celle qui « sait tout », « voit tout », « transmet les messages ». Elle se voit ainsi chargée de transmettre des messages à des personnes indiquées par Monsieur Gimon, et associée aux recherches de vêtements civils pour des aviateurs américains et anglais récupérés, qu’il fallait soigner et héberger. En 1943, la situation évolue. Gustave Gimon lui demande de prendre pendant quelque temps un poste émetteur-récepteur chez elle.

Elle trouve tellement merveilleux qu’il lui propose de s’investir davantage, qu’elle accepte sans hésiter ni même prévenir son mari. Lequel a été un peu fâché de cette prise de risque. Les Soulas ont dépanné le réseau pendant un an. Camille Fournier, alias « Danielle Redde », femme n’ayant pas froid aux yeux tombée aux mains de la Gestapo, réussit à s’évader et vient émettre des messages à leur domicile. Pendant qu’elle émet, Marguerite et Pierre rôdent dans le voisinage pour repérer les voitures radiogoniométriques.

Ils apprendront d’ailleurs à la Libération que leur maison venait juste d’être localisée, mais que, faute de temps, la Gestapo n’avait pu les arrêter.

 

Dora Rivière : une place parmi les justes. 

 

Dora Rivière est née à Saint-Etienne en 1895, dans une famille protestante originaire du Chambon-sur-Lignon, village situé en Haute-Loire, à une soixantaine de kilomètres de l’agglomération Stéphanoise. C’est sur le plateau cévenol, qu’en dépit d’un climat rude et d’un accès difficile, les huguenots trouvèrent asile quand les guerres de religion les conduisirent à lutter et à souffrir pour conserver leur croyance.

Ils en gardèrent un sens aigu de l’accueil, de la tolérance, du partage et du respect des droits de l’Homme. Elle devient en 1919 une des premières femmes médecins de France et commence à exercer sa profession en se portant au secours des polonais en proie à une sévère épidémie de typhus. Consciente du péril hitlérien, elle choisit son camp dès la première heure et s’engage sous le pseudonyme masculin de « Monsieur Lignon », dans ce qui n’était encore que l’embryon de la Résistance stéphanoise.

Elle organise en collaboration avec plusieurs réseaux clandestins le passage à l’étranger des personnes pourchassées par la police de Vichy et assure le placement des enfants juifs dans les fermes isolées du plateau cévenol.  Les déplacements étaient le plus souvent effectués par les « Fourgons Stéphanois », appartenant aux Transports RIVIÈRE. Dénoncée par le fils d’une employée de l’entreprise familiale, Dora Rivière est arrêtée par l’ABWEHR, le 6 octobre 1943, en même temps que de nombreux résistants de la région.

Elle est d’abord incarcérée à la prison de Bellevue à Saint-Etienne, puis à celle de Montluc à Lyon où elle est soumise à des interrogatoires musclés.  Finalement, elle est déportée au camp pour femmes de Ravensbrück. Dora RIVIÈRE, choquée par tout ce qu’elle avait vu et vécu, arrive à la dernière étape de son calvaire, vidée de ses extraordinaires capacités d’énergie. Mais son tempérament de battante allait rapidement prendre le dessus. Quinze jours après son retour parmi les siens, encore amaigrie, elle obtient un entretien avec le Général de Gaulle et s’envole pour les États-Unis pour rencontrer madame Roosevelt qui lui accorde des subsides pour les œuvres sociales dont elle reprenait les rênes. De retour à Saint-Etienne, elle est nommée adjointe au maire, chargée des affaires sociales.

Le 6 février 2011, l’Institut Yad Vashem de Jérusalem a décerné le titre de Juste parmi les Nations à madame Dora Rivière. A Saint-Etienne, une école publique porte son nom au 13 de la rue Amouroux, dans le quartier de la Rivière….

 

Pierre Mazet (http://www.pierre-mazet42.com/) auteur de nombreux Polars et passionné d’Histoire nous présente des stéphanois dont parfois par manque de culture nous ignorons l’existence, depuis quelques semaines il existe une version en livre.